Mon « au revoir » à Henri
Les hirondelles et les martinets sont revenus. Leurs ballets aériens et leurs trilles mélodieuses enchantent mon ciel, comme chaque année, et même et surtout en ces temps où je suis confinée.
Une évasion qui me ramène au temps de l'enfance…
Depuis mon arrivée à Orléans, je partageais la joie de ce spectacle avec celui qui est devenu au fil du temps un ami : Henri.
Nous avions même instauré un rituel à ce sujet, et qui nous était réservé. Le partage d'une madeleine de Proust : Celui où celle qui entre-apercevait le 1er vol de l'année en nos contrées d'une hirondelle ou d'un martinet envoyait à l'autre un simple message "Elles sont là" ou bien "Ils dansent dans le bleu du ciel"... Un peu pour dire et affirmer que malgré le temps qui passe, le retour du printemps, et du bonheur malgré tout, était revenu…
Le partage de ces quelques mots nous étaient aussi fort que de longs discours. Nous étions vivant.e.s.
Cependant, silencieusement, sans bruit et sans heurt, dans un tourment intérieur sans partage, le fardeau de la vie s'est appesanti sur les épaules d'Henri. D'une douleur si vive qu'il ne l'a plus supportée…
Alors, à la fin de ce mois de février dernier, il a décidé de larguer les amarres, sans se retourner, d'en finir avec ce chemin qui n'était plus pour lui qu'ombres et tourments, et d'entamer un autre voyage dont nul ne revient jamais.
C'est bouleversée que j'ai appris cela, le 1er jour du confinement, et par sa compagne, Nathalie. Elle attendait dans la file d'attente de la pharmacie dont je sortais, pourvue des médicaments que j'étais venue chercher.
Comment dire la douleur et le chagrin de l'absence, comment les partager en ces temps débilitants ?
Nous sommes restées comme deux idiotes à 1 mètre de distance, à pleurer, sans pouvoir nous toucher, à ne pas oser nous étreindre, et franchir cette barrière invisible tout juste érigée…
Depuis, je vis comme en un temps suspendu… Ce sont les hirondelles et les martinets qui ce matin m'ont dit que c'était fini. Ni les unes, ni les autres n'étaient revenu.e.s à temps pour ravauder les griffures devenues déchirures dans la toile de sa vie. Car c'est ainsi qu'il voyait leurs danses : Des raccommodeuses de blessures, célestes panseuses, tisseuses de vie… Mais ses plaies étaient devenues trop profondes, la toile trop fine et diaphane…
Il m'a fallu tout ce temps pour te dire au revoir Henri…
Nathalie, je t'aime…
L’équipe J’accompagne remercie du fond du cœur Dominique Tripet pour avoir accepté de partager ce doux témoignage.